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Il m’écoutait. Plus ou moins. Il ne m’interrompait pas et je sais qu’il pouvait entendre tout ce que je disais.

Je parlais de ce que je ressentais à l’égard d’une entreprise d’enseignement artistique qui répétait au public de YouTube que mon œuvre était généré par l’IA. J’ai longuement déclamé de la trahison des fondateurs et propriétaires de cette boîte. John, Elli, et Dimitra Milan sont tous des artistes eux-mêmes, mais ils continuent à manquer de respect à mon art, même après que je leur ai demandé de rectifier la situation. Lorsque j’ai été à court de choses à dire sur ce qu’être artiste professionnel veut vraiment dire et sur la façon dont le comptage obsessionnel des vues-likes-follows sur les réseaux semble encourager les gens à être mesquins, l’auditeur a laissé une toute petite pause puis a changé le sujet. En d’autres termes, il n’a pas répondu à mon monologue fâché, sauf pour faire comprendre que c’était fatiguant.

Quelques jours plus tard, je parlais toujours de Milan Art Institute—les vues de leur vidéo étaient passées de 40 000 à 70 000 entre-temps. Cette fois, je parlais de la méchanceté de Milan Art Institute à quelqu’un de nouveau. Lorsque j’ai terminé mon récit tortueux, ce deuxième individu a répondu en disant que nous devrions poursuivre l’entreprise pour diffamation.

Puisque je pense que le système juridique est conçu pour favoriser les gens qui ont déjà beaucoup d’argent et pusique je préfère ne pas embaucher des avocats pour contrôler la manière dont les gens utilisent mon art en général, l’idée ne m’intéressait pas en elle-même. Mais je l’avoue: la suggestion m’a plu. En fait, elle m’a fait sourire pour la première fois par rapport à la méchanceté de Milan Art Institute, et, avec ce sourire, je me suis sentie soulagée.

Contrairement à l’auditeur qui ne m’écoutait pas, ce deuxième individu avait validé mes sentiments. Il avait indiquait que ma colère était justifiée. Et même si je ne voulais pas engager de poursuites judiciaires, cela m’a apaisé de savoir qu’on avait fait l’effort de me comprendre.

J’ai beaucoup réfléchi à l’écoute ces derniers temps. L’année dernière, l’Université de Princeton m’a engagée pour réaliser cette œuvre représentant deux tigres en conversation. Elle fait partie d’une initiative de santé mentale sur le campus où les profs et le personnel affichent cette image pour faire savoir aux étudiants qu’ils ont été formés pour être de bons auditeurs.

La réalisation de ce tableau a connu de nombreuses phases, y compris cette idée un peu bête selon laquelle le tigre, mascotte de Princeton, devrait sortir d’une oreille humaine.

Finalement, j’ai opté pour une approche légèrement moins surréaliste, en essayant de faire en sorte que ces deux grands félins semblent vraiment engagés l’un avec l’autre.

Voici le dessin final. Ayant créer cette composition je me sentais prête à commencer à peindre.

Et cette animation montre comment j’ai ajouté les couches de peinture pour créer l’image.

Je ne fais pas partie de l’Université de Princeton. J’ai exposé mes œuvres à plusieurs reprises sur le campus, la dernière fois dans la clinique de santé mentale où mon cahier de coloriage Tout Va Bien est également disponible pour les étudiants. Mais je ne fais pas partie du corps enseignant ou du personnel de l’Université, donc je ne connais pas grand-chose du programme Princeton Distress Awareness & Response Partner en dehors des informations nécessaires pour créer cet autocollant.

Ceci dit, l’idée que des gens fassent le choix d’apprendre à mieux écouter me plaît. Et s’il existait une formation pour aider tout le monde à faire plus attention les uns aux autres?

Je ne peux m’empêcher de me demander si, dans ce monde, John Milan et sa famille seraient consternés de penser qu’ils ont permis à 100 000 personnes de dénégrer l’œuvre d’un autre artiste. (Parce que, oui, la vidéo truffée d’erreurs du Milan Art Institute est toujours sur YouTube et continue d’accumuler des dizaines de milliers de vues de plus que presque toutes leurs autres vidéos.)

Et j’aime imaginer que l’auditeur original qui ne m’écoutait pas vraiment comprendrait que valider les sentiments d’un autre être humain n’est pas seulement une gentillesse envers cet être humain, mais aussi une gentillesse envers lui-même. La connexion qui naît d’écouter bien est un cadeau pour toutes les personnes impliquées.